Hÿdrh ; infinité des eaux

Un contact avec Hÿdrh se résume à cet instant où l’on plonge nos doigts dans l’étang, où l’on ressent la fraîcheur s’infiltrer dans chacune de nos pores éprouvées par le labeur. Sa peau bleutée risque d’effaroucher les plus conservateurs, de même que sa vaporeuse chevelure d’argent; mais n’en reste pas moins que les courbes amoureuses de son corps fascinent le regard et l’esprit autant que les profondeurs ténébreuses des océans. Pour cela on la croirait mangeuse d’homme, ensorceleuse des pluies ou simplement vile créature… le naturel doux et fluide de ses gestes contredit pourtant ces préjugés de toute son intensité.

Étant une élémentaire, ses accoutrements sont bien simples et éthérés; leur transparence et légèreté reflète une belle grâce considérée comme vulgaire par un œil plus borné. Ce même œil aurait  du trouble à fixer ce visage constamment brouillé et sans contours définis; cet instinct de défense typique des créatures d’eau s’accentue devant la menace – comme si, lorsqu’il y a du danger, ses traits se noyaient sous la surface de l’eau afin de fuir. De très rares êtres auraient, à un quelconque moment, aperçu les grands iris expressifs et sombres d’Hÿdrh lors d’un excès de confiance.

Cette vue merveilleuse pris sans doute l’aspect d’une légende dans la bouche de son spectateur, jusqu’au jour où la rumeur de la présence d’une élémentaire la fit disparaître à nouveau dans les alentours…

Qui n’a jamais entendu quelqu’un prétendre que mer et mère avaient beaucoup en commun? Une infinité de ressources, sa générosité à l’origine d’une ou plusieurs vies, instinctive dans sa largesse... La mer, lorsque limpide, a toujours apporter paix aux êtres vivants la côtoyant. Ne serait-ce que par sa beauté, son murmure berçant le quotidien de ses voisins, l’assurance que le lendemain sera aussi comblé qu’aujourd’hui même. Hÿdrh a cet instinct de maternité, de grande ouverture à tous qui lui coûte parfois si cher; un être blessé elle lui portera secours, un enfant perdu elle le guidera, un voyageur assoiffé elle lui donnera de son eau. Parmi les nombreuses facettes de son tempérament changeant, celle-ci prend souvent les devants avant les autres.

Source de légendes, source d’ambigüités, source de fascinations, de conflits, de rage, de paix, de rêves… voilà le lot de tous les Élémentaires, qu’ils soient bons ou mauvais, toujours pris dans les filets de préjugés posés par les humains, à se débattre pour n’être qu’eux-mêmes et non pas une cible sans répit. Hÿdrh n’est pas une proie; elle vous observera alors même que vous ne ferez que poser le pied dans la première rigole sur votre chemin vers les profondeurs de la forêt. Sa patience lui donnera trois coups d’avance sur l’empressement du chasseur tenant absolument à la traquer. Source de frustration parce qu’elle vous glisse entre les doigts, source de convoitise parce qu’aucune marque n’a jusqu’ici été proche de s’imprégner sur sa peau, source de respect craintif parce que très peu ayant abusé de leur proximité avec elle sont revenus pour en témoigner.

Un torrent on s’y noie, on s’y laisse emporter malgré nous, malgré les craintes, la panique, le refus global de tous nos instincts hurlants… c’est une force qui prend sa puissance d’on ne sait où, qui engouffre tous les sens et frappe ses visiteurs de stupéfaction. Hÿdrh a cet aspect emporté, déchaîné, déroutant, sans doute peu recommandable en elle. On peut y laisser sa peau, inerte et asphyxiée, tout comme on peut s’en sortir seulement déboussolé et sans trop d’égratignures. Évidemment, on ne trouve pas de torrent partout où l’on va, il suffit d’écouter son lointain grondement pour éviter de s’y mettre les pieds par inadvertance…